Publicité et jeux d’argent : l’ANJ présente ses lignes directrices et recommandations

Le 23.02.2022

La consultation publique sur la publicité et les jeux d’argent lancée par l’Autorité nationale des jeux à la suite de l’Euro de foot a permis de recueillir de nombreuses contributions de la part des différentes parties prenantes. Sur la base de celles-ci, ainsi que d’éléments objectifs provenant de deux études, l’ANJ présente des lignes directrices visant à préciser son interprétation des règles existantes en matière d’encadrement du contenu des communications commerciales. Elle propose également des recommandations pour restreindre l’intensité de la pression publicitaires sur l’ensemble des canaux médiatiques, notamment les leviers numériques et renforcer la protection des mineurs et des publics vulnérables.

Pendant l’Euro de football qui s’est tenu en juin et juillet 2021, une pression publicitaire inédite de la part des opérateurs de paris sportifs a été observée. Or, en France, le jeu d’argent n’est pas considéré comme un service ordinaire car il porte en lui des risques importants de dérive (surendettement) ou de santé publique (addiction et isolement) pour le joueur et son entourage. C’est pourquoi il n’est autorisé qu’à titre dérogatoire et fait l'objet d'un encadrement strict afin de prévenir ces risques.

C’est dans ce contexte que l’ANJ a mené, à partir septembre 2021, une large consultation publique portant sur les pratiques des opérateurs de jeux d’argent en matière de publicité.

Cette consultation a permis de recueillir des contributions nombreuses et nourries de la part des parties prenantes (grand public, opérateurs de jeux d’argent agréés et sous monopole, professionnels de la santé, associations de soin, fédérations et ligues professionnelles sportives, professionnels de la publicité, communauté éducative, etc.).

Deux études ont également été diligentées pour mesurer objectivement la situation : la première sur l’influence de la publicité sur les comportements de jeux, conduite par Harris interactive, et la seconde sur la consommation média des joueurs de jeux d’argent et de hasard, menée par Kantar.

 

 

Les constats et les objectifs prioritaires pour le régulateur

 

L’ANJ tire de la consultation les conclusions suivantes :

• le premier semestre de l’année 2021 consacre une intensification inédite de la pression publicitaire s’agissant en particulier des communications relatives aux paris sportifs ;

• la publicité pour les jeux d’argent a un impact potentiel significatif sur les publics plus vulnérables (jeunes joueurs, joueurs excessifs);

• les opérateurs de jeux d’argent ont un recours de plus en plus important aux différents leviers numériques, particulièrement prisés des jeunes et qui échappent en grande partie à la régulation actuelle ;

• les messages de prévention sont trop peu visibles. ;

 

Ces conclusions ne portent pas sur les communications commerciales des casinos et clubs de jeux.

 

Forte de ces constats, l’ANJ poursuit plusieurs objectifs :

  • « désintensifier » la pression publicitaire sur tous les supports de communication (télévision, radio, affichage et sur le digital) ;
  • renforcer la protection des mineurs et des publics à risque, particulièrement sur les leviers numériques ;
  • améliorer l’efficacité des dispositifs de prévention.

 

 

Les outils de régulation proposés par l’ANJ

 

Pour répondre à ces objectifs, l’ANJ a élaboré deux outils, en cohérence avec le cadre de référence pour la prévention du jeu excessif ou pathologiques et la protection des mineurs adopté par arrêté du ministre de la santé le 9 avril 2021 : des lignes directrices et des recommandations.

 

1.

Des lignes directrices, qui donnent des éléments d’interprétation du décret du 4 novembre 2020 encadrant le contenu des communications commerciales. Dans ces lignes directrices, l’ANJ réaffirme la vocation première de la publicité des jeux d’argent, à savoir la faculté offerte aux opérateurs de faire connaître leur offre au public, pour qu’il la distingue de celle (interdite) des opérateurs illégaux. À cette occasion, l’ANJ se livre à une lecture stricte des dispositions législatives et réglementaires en vigueur afin de soutenir l'objectif de prévention du jeu excessif et de protection des mineurs qu’elles poursuivent. En cas de manquement à ces règles, l’ANJ pourra formuler, à l’encontre de l’opérateur de jeux, une demande de retrait de la communication commerciale en cause et, le cas échéant, engager des poursuites devant sa commission des sanctions. 

 

Ces lignes directrices portent sur :

 

  • les contenus des communications prohibés parce qu’ils peuvent inciter au jeu excessif : communications banalisant le jeu, celles contenant des déclarations infondées sur les chances de gagner ou assimilant le jeu d’argent à un vecteur de changement de statut social ou à une alternative au travail rémunéré, etc. ;
  • les contenus prohibés parce qu’ils pourraient inciter les mineurs à jouer : interdiction des publicités mettant en scène un mineur, qui inciteraient les mineurs à considérer que le jeu d’argent fait naturellement partie de leur loisir ou encore celles représentant des personnalités appartenant à l’univers des mineurs, etc.

 

Interprétation par l’ANJ de la règle interdisant les publicités qui suggèrent que « jouer contribue à la réussite sociale »

Selon l’ANJ, sont prohibées les représentations :

  • de la réussite sociale entendue comme la réussite financière, le succès sentimental ou sexuel, la gloire, le pouvoir, le respect, l’admiration des tiers ou un signe de maturité ;
  • de signes extérieurs de richesses ou de produits de luxe (voitures de sport, villas de rêve) ;
  • de la possibilité de changer de statut social, de vivre des expériences hors du commun (voyage dans l’espace) ou d’accéder à des services habituellement considérés comme réservés à des personnes très fortunées (voyage en jet privé ou en croisière en yacht de luxe).

 

2.

Des recommandations, non prescriptives, correspondant à des bonnes pratiques que les opérateurs sont incités à mettre en œuvre afin d’améliorer leurs standards de protection du public. Les recommandations formulées, ont pour objectif de limiter la pression des messages publicitaires sur chaque levier média, favoriser les pratiques responsables des influenceurs et ambassadeurs, renforcer la protection des mineurs et des joueurs excessifs et, enfin, d’améliorer les messages de prévention.

 

Exemples de recommandations

  • Publicité limitée en télévision et radio à 3 communications par écran publicitaire, tout opérateur confondu. Dans le secteur de la publicité numérique, limiter l’exposition des joueurs à 3 communications commerciales par jour et par support (ex. site internet, application, réseau social, plateforme de contenu, moteur de recherche) ;
  • Mise en place d’un « modérateur de publicité » qui permettra facilement au joueur, de choisir le nombre, la fréquence et le type de notifications qui peuvent lui être envoyées lors de sa connexion au site internet ou à l’application de l’opérateur ;
  • Recours à des ambassadeurs et influenceurs âgés de plus de 18 ans, qui n’ont pas une apparence physique laissant penser qu'ils sont mineurs ni une audience auprès des mineurs supérieure à 16% ;
  • Standardisation des messages de prévention pour améliorer leur visibilité.

 

 

Le dispositif de mise en œuvre

 

La mise en œuvre de ces recommandations implique différentes actions, dont certaines s’appuieront sur une coopération renforcée avec l’ARPP (Autorité de régulation professionnelle de la publicité) et l’ARCOM (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle) :

  • La révision de la délibération ARCOM du 22 janvier 2013 relative aux conditions de diffusion des communications commerciales en faveur des opérateurs de jeux d'argent et de hasard d’une part et celles des chartes de « bonne conduite » conclues en 2011 par les régies publicitaires télévisées et de radio visant à encadrer le volume et la concentration des communications commerciales en faveur des opérateurs de jeux d’autre part ;
  • L’actualisation de la recommandation « jeux d’argent et de hasard » de l’ARPP de juin 2009 ;
  • L’élaboration avec les opérateurs de jeux d’une charte de bonne conduite visant à encadrer la publicité digitale des opérateurs de jeux d’agent : pour mieux réguler les volumes et la fréquence des communications commerciales en faveur des jeux d’argent et renforcer la protection des jeunes publics sur ces médias ;
  • La constitution d'un groupe de travail sur les évolutions à apporter sur l’encadrement du parrainage, ou sponsoring et des partenariats, placé sous l’égide de l’ANJ et du ministère chargé des sports.

 

Le dispositif complet devra être opérationnel le 1er septembre 2022, c’est-à-dire avant la Coupe du monde de football qui se tiendra en novembre-décembre 2022 et constituera le temps fort du marché.

Enfin, un comité de suivi , rassemblant les parties prenantes, sera mis en place pour évaluer la mise en œuvre des outils de régulation et proposer, le cas échéant, leur évolution.