Partenariats sportifs et jeux d’argent : l’ANJ présente des lignes directrices et recommandations

Le 01.06.2023

Sur la base des travaux du groupe de travail sur les partenariats sportifs des opérateurs de jeux d’argent lancé avant l’été 2022, l’ANJ présente des lignes directrices et des recommandations pour renforcer la régulation de ces pratiques commerciales. Ces propositions constituent une première réponse, à droit constant, aux risques de banalisation et d’attractivité de la pratique de jeux d’argent que ces partenariats sportifs peuvent représenter auprès des mineurs et des joueurs problématiques.

Le partenariat sportif des opérateurs de jeux d’argent légaux en France est en progression de 20%, passant de 34 millions d’euros en 2022 à 40,7 millions prévus en 2023. A cette somme s’ajoutaient, en 2022, 15 millions d’euros de partenariats sportifs avec des opérateurs non autorisés en France (sites de casinos en ligne notamment) à destination des parieurs situés en Afrique et en Asie. L’ensemble de ces partenariats ne représentent cependant qu’une petite part (moins de 2%) du montant total des contrats de partenariats du sport par le secteur privé en France, estimé à près de 2,5 milliards d’euros par an[1].

 

Plusieurs tendances sont observées au sein de ces partenariats :

  • L’utilisation de plus en plus fréquente de l’image des sportifs pour promouvoir les jeux d’argent ;
  • La multiplication des communications commerciales dans les enceintes sportives sur divers supports sans qu’elles soient accompagnés des messages de mise en garde obligatoires ;
  • L’apparition, sur plusieurs sites d’organisations sportives, de liens de redirection invitant directement à parier et renvoyant aux sites des opérateurs de paris sportifs ;
  • Le développement de partenariats avec des équipes de sport amateur ;
  • Le recours au nommage (naming) des infrastructures sportives (ex : stade, gymnase, vélodrome) et des compétitions par un opérateur de jeu d’argent et de hasard ce qui instaure un lien direct entre le sport et le pari sportif ;
  • La conclusion de contrats de partenariats avec des opérateurs de jeux illégaux en France.

 

Cette association entre le sport et les jeux d’argent et de hasard est susceptible de banaliser et rendre attrayante la pratique de ces jeux et donc à stimuler leur consommation ainsi qu’à favoriser le jeu excessif ou pathologique et le jeu des mineurs. Ces éléments de risque ont été mis en évidence par plusieurs études scientifiques récentes[2], et impliquent une régulation renforcée de la pratique commerciale de partenariat.

Plusieurs pays européens ont fait le choix d’interdire les partenariats sportifs avec des opérateurs de jeux d’argent. C’est le cas de l’Espagne, l’Italie et la Suisse qui devraient être bientôt rejoints par la Belgique et les Pays-Bas. Le Royaume-Uni envisage de son côté de limiter ces contrats de partenariats, en interdisant notamment l’apposition de la marque d’un opérateur de jeu d’argent sur les maillots.

C’est dans ce contexte que l’ANJ a constitué en juillet 2022 un groupe de travail dédié en lien avec le ministère chargé des sports, puis en collaboration avec la Direction générale de la Santé (DGS) et la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA). Cette réflexion s’inscrit dans son plan d’actions plus global relatif aux communications commerciales qui s’est concrétisé en 2022 avec différentes décisions portant sur le contenu ou le volume des publicités. L’ANJ avait alors rappelé que les contrats de partenariat sont régis par les règles applicables en matière de communications commerciales.

Aujourd’hui, l’ANJ présente des lignes directrices qui expriment la lecture que l’ANJ fait du droit positif applicable en la matière et des recommandations, non prescriptives, correspondant à des bonnes pratiques. Elles comportent trois parties consacrées à : la protection des mineurs, la prévention du jeu excessif ou pathologique et la lutte contre les opérateurs illégaux.

 

La protection des mineurs

 

Lignes directrices

  • Interdire l’association d’un sportif qui appartient à l’univers des mineurs à une communication commerciale en faveur d’un opérateur de jeu d’argent si l’exploitation de son image est effectuée à titre individuel ou avec d’autres sportifs s’il est mis en avant par rapport à ces derniers. Pour contrôler le respect de cette interdiction l’ANJ s’appuiera sur un faisceau d’indices parmi lesquels figurent notamment l’opinion exprimée par les mineurs à l’occasion de sondages relatifs à leurs personnalités préférées (top 10) ainsi que la mesure de l’audience de ces personnalités auprès des mineurs sur les réseaux sociaux (lorsque celle-ci dépasse 16% sur la tranche d’âge des 13-17 ans de l’audience d’une ou plusieurs plateformes).
  • Exclure de la vente et de la distribution gratuite les produits dérivés comportant la marque d’un opérateur tels que les peluches, les jouets d’enfants, les figurines, etc.
  • Exclure les mineurs de toute participation active aux animations commerciales mises en œuvre dans le cadre d’un partenariat avec un opérateur de jeu d’argent et de hasard.

 

Recommandations

  • Ne pas apposer la marque d’un opérateur de jeux d’argent et de hasard sur les maillots de « taille enfant » (moins de 18 ans) ;
  • Insérer un pictogramme « interdit aux moins de 18 ans » sur les différents supports de communication de l’opérateur placés sur les côtés du terrain.

 

La prévention du jeu excessif ou pathologique

 

Lignes directrices

  • Interdire la représentation des sportifs, des arbitres et des autres acteurs des compétitions en situation de parier sur leur sport dans les communications commerciales ;
  • Interdire aux acteurs du sport en activité, dans le cadre des opérations commerciales des opérateurs de jeux, de livrer des pronostics sur le résultat d’une compétition de leur discipline et de promouvoir activement les cotes sur un match de leur discipline ;
  • Faire apparaître le message de mise en garde au bas du support de tous les panneaux publicitaires ;
  • Ajouter dans les animations commerciales des messages de mise en garde.

 

Recommandations

  • Ne pas proposer de lien de redirection « parier » sur les sites internet, applications, plateformes de contenu ou toute autre dispositif de communication utilisé par les organisations sportives ;
  • Ne pas faire apparaître des cotes, des offres de gratifications commerciales, ou toutes autres annonces promotionnelles pour les opérateurs de jeux d’argent sur les sites internet, applications, plateformes de contenus utilisés par les organisations sportives ;
  • Veiller à ne faire apparaître la marque des opérateurs de jeux d’argent et de hasard que de manière limitée dans et autour de l’enceinte, en évitant notamment les techniques marketing de saturation, les supports immersifs ou encore la succession ou répétition de messages publicitaires ;
  • Éviter le nommage (ou naming) des infrastructures sportives (ex : stade, gymnase, vélodrome) et des compétitions par un opérateur de jeu d’argent et de hasard.

 

La lutte contre les opérateurs illégaux

 

Ligne directrice

  • Interdire aux organisateurs d’évènements sportifs, aux ligues, aux fédérations, aux clubs, aux équipes et aux sportifs de conclure des contrats de partenariat avec des opérateurs de jeux d’argent et de hasard qui opèrent illégalement en France et d’en faire la publicité.

 

Recommandation

  • Inviter les organisateurs d’évènements sportifs, ligues, fédérations, clubs, équipes et sportifs à s’assurer au préalable auprès de l’ANJ que les opérateurs non agréés en France avec lesquels ils souhaitent signer des contrats à destination d’autres pays, ne figurent pas sur la liste des opérateurs dont le site a été bloqué par l’ANJ.

 

Le suivi de la mise en œuvre

 

Les lignes directrices et les recommandations pourront, le cas échéant, être prolongées par des propositions de modifications législatives et réglementaires qui paraîtront nécessaires à l’ANJ pour la réalisation des objectifs de la politique des jeux d'argent et de hasard.

Enfin, un bilan de la mise en œuvre de ces lignes directrices et recommandations sera réalisé par l’ANJ au premier trimestre de l’année 2024.

 

 

 

 

[1] Chiffres Sporsora, 2022.

[2] Voir notamment : Elizabeth A. KILLICK et Mark D. GRIFFITHS, Sports Betting Advertising: A Systematic Review of Content Analysis Studies, International Journal of Mental Health and Addiction, 2022. Samantha THOMAS, Hannah PITT, Amy BESTMAN, et al., Child and parent recall for gambling sponsorship in Australian sports, Victorian Responsible Gambling Foundation, Victoria, 2016, vol. 1.