Stratégies promotionnelles 2023 : des progrès mais un effort global supplémentaire est nécessaire

Le 24.02.2023

Le collège de l’Autorité Nationale des Jeux a examiné les stratégies promotionnelles 2023 des opérateurs de jeux d’argent. Différents points de vigilance communs aux opérateurs ont été identifiés à cette occasion : le maintien des investissements publicitaires à un niveau élevé, la présence en continu de campagnes qui tendent à installer le jeu d’argent dans le quotidien des Français et le recours massif au marketing d’influence et au sponsoring sportif.  Cette situation a conduit l’ANJ à émettre des prescriptions détaillées et exigeantes. Elle a par ailleurs décidé de rejeter la stratégie d’un opérateur.

Rappel du cadre légal

Chaque année, les opérateurs de jeux d’argent, sous monopole ou en concurrence, doivent soumettre à l'approbation de l'Autorité nationale des jeux leur stratégie promotionnelle. Celle-ci l’examine au regard des objectifs de la politique de l’Etat en matière de jeux d'argent et de hasard et, plus particulièrement, la prévention du jeu excessif ou pathologique et la protection des mineurs.

Lors de l’examen de ces stratégies promotionnelles, la grille d’analyse de l’ANJ tient compte de l’équilibre à trouver entre le recours légitime à la publicité par les opérateurs pour promouvoir l’offre légale de jeu et la nécessité de ne pas encourager le jeu excessif ou pathologique et protéger les mineurs. Le cadre de référence pour la prévention du jeu excessif et pathologique et la protection des mineurs adopté en 2021 propose un mode d’emploi opérationnel pour les opérateurs dans la mise en œuvre de ces obligations.

Analyse des stratégies et approbations assorties de conditions

L’ANJ a réalisé une analyse comparée des stratégies promotionnelles des 17 opérateurs en ligne agréés et des 2 opérateurs sous droits exclusifs (FDJ et PMU). Il en ressort que tous les opérateurs ont globalement respecté les lignes directrices et les recommandations qu’elle a adoptées en février et octobre 2022 et les engagements pris à l’occasion de la signature des chartes.

L’examen des stratégies promotionnelles a néanmoins permis de mettre en évidence plusieurs points de vigilance :

  • Le maintien d’un niveau élevé des investissements promotionnels (média, gratifications financières, sponsoring) alors que 2023 est moins riche en évènement sportif de grande ampleur : les opérateurs prévoient d’engager 630 millions d’euros, ce qui représente une hausse de 6% par rapport à 2022, avec un pic prévu à l’occasion de la Coupe du monde de rugby ;
  • Les gratifications financières constituent le premier poste du budget publicitaire des opérateurs (59% des investissements), ce qui traduit leur volonté de fidéliser leur bassin de clientèle dans un contexte de marché en ligne présentant de nouvelles tensions concurrentielles ;
  • 49% des investissements médias se feront sur les canaux numériques, leviers particulièrement efficaces en termes de captation et de rétention des joueurs. Ce sont ces investissements qui affichent la plus grosse progression (+23%) ;
  • Un recours de plus en plus important au marketing d’influence qui constitue un levier particulièrement populaire auprès des jeunes. Les opérateurs prévoient d’activer cette année 117 créateurs de contenus, influenceurs ou ambassadeurs ;
  • Une augmentation significative du recours au sponsoring sportif, ce qui tend à augmenter l’exposition des mineurs et des publics à risque et à généraliser l’association entre sport et jeux d’argent ;
  • Une présence en continu tout au long de l’année, majoritairement sur les leviers numériques. Les communications en « fil rouge » suivent le rythme des grands événements sportifs, ou populaires (St Patrick, St Valentin, Halloween, etc.) mais aussi les temps forts commerciaux (Black-Friday). Ceci tend à inscrire le jeu d’argent dans le quotidien des Français et à le positionner comme un produit de consommation courante.

 

Compte tenu de ces points de vigilance, l’ANJ a approuvé 18 stratégies promotionnelles mais assorti ses décisions de conditions exigeantes qui illustrent la volonté de l’Autorité de « désintensifier » la pression publicitaire sur l’ensemble des canaux médiatiques, notamment les leviers numériques et renforcer la protection des mineurs et des publics vulnérables.

Rejet de la stratégie promotionnelle de LA FRANÇAISE DES JEUX pour son activité en monopole

L’ANJ rappelle que le cadre juridique exigeant qui s’applique aux monopoles en raison de leur statut spécifique implique que leur politique promotionnelle demeure mesurée et limitée. Celle-ci doit avant tout consister à informer leurs clients potentiels de l’existence de leur offre et non à stimuler activement ces derniers et encourager la pratique du jeu.

L’ANJ constate tout d’abord que la FDJ n’a que partiellement répondu aux réserves formulées en 2022 par l’Autorité sur l’ampleur et les modalités de sa stratégie promotionnelle.

Elle pointe en particulier les difficultés suivantes dans la stratégie 2023 :

 

  • Le nombre très important de campagnes promotionnelles, institutionnelles et de sponsoring d’envergure prévues, qui entretiennent une exposition publicitaire des publics importante et continue tout au long de l’année ;
  • Une stratégie offensive de promotion de son offre de loteries destinée à recruter un nombre élevé de nouveaux joueurs et à faire de la loterie un produit de consommation courante (notamment par le recours à l’influence, l’activation de gratifications via des applications de promotions privées proposant de « bonnes affaires » et la mise en avant des jackpots et de slogans accrocheurs comme « pluie de millionnaires ») ;
  • Une part significative de la stratégie promotionnelle axée sur la « contribution sociétale du groupe », ce qui comporte le risque d’encourager la pratique des jeux d’argent et de hasard en installant un lien direct entre la consommation de ses jeux et une cause d’intérêt général, de nature à banaliser ou généraliser la pratique du jeu.

 

Le collège de l’ANJ a décidé de rejeter la stratégie promotionnelle de LA FRANÇAISE DES JEUX car celle-ci ne saurait être regardée comme suffisamment mesurée et limitée par rapport à la publicité qu’un monopole de jeux d’argent peut légalement réaliser. Aussi, la société LA FRANÇAISE DES JEUX devra déposer, au plus tard dans un délai d’un mois, une nouvelle demande d’approbation de sa stratégie promotionnelle, après discussion avec les services de l’ANJ.

Enfin, de manière générale, dans un contexte où la pression publicitaire reste forte et où les dernières études tendent à montrer une augmentation du jeu excessif, l’ANJ réfléchit à l’opportunité de proposer des mesures complémentaires aux pouvoirs publics dans les prochains mois pour renforcer l’encadrement de la publicité pour les jeux d’argent.

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