Stratégies promotionnelles des opérateurs : des approbations sous conditions & une décision de rejet
Le 23.03.2022
Le 17 mars, le collège de l’Autorité Nationale des Jeux a examiné les stratégies promotionnelles 2022 des opérateurs de jeux d’argent. Différents points de vigilance ont été identifiés à cette occasion, comme l’augmentation des investissements publicitaires, le recours massif aux leviers numériques, en particulier via les plateformes sociales et les influenceurs particulièrement populaires auprès des jeunes, voire des mineurs. Cette situation a conduit l’ANJ, en s’appuyant sur les lignes directrices et les recommandations qu’elle a adoptées le 17 février dernier, à rejeter la stratégie d’un opérateur et à exiger, pour les autres opérateurs, qu’ils modèrent leur politique promotionnelle de manière significative.
Rappel du cadre légal
Chaque année, les opérateurs de jeux d’argent, sous monopole ou en concurrence, doivent soumettre à l'approbation de l'Autorité nationale des jeux leur stratégie promotionnelle. Celle-ci l’examine au regard des objectifs de la politique de l’Etat en matière de jeux d'argent et de hasard et, plus particulièrement, la prévention du jeu excessif ou pathologique et la protection des mineurs.
Lors de l’examen de ces stratégies promotionnelles, la grille d’analyse de l’ANJ tient compte de l’équilibre à trouver entre le recours légitime à la publicité par les opérateurs pour promouvoir l’offre légale de jeu et la nécessité de ne pas encourager le jeu excessif ou pathologique et protéger les mineurs. Le cadre de référence pour la prévention du jeu excessif et pathologique et la protection des mineurs adopté le 9 avril 2021 propose un mode d’emploi opérationnel pour les opérateurs dans la mise en œuvre de ces obligations.
Les points de vigilance communs aux opérateurs pour les stratégies 2022
L’ANJ a réalisé une analyse comparée des stratégies promotionnelles des 15 opérateurs en ligne agréés et des 2 opérateurs sous droits exclusifs (FDJ et PMU). Celle-ci a permis de mettre en évidence plusieurs points de vigilance, communs à la grande majorité des opérateurs, qui ont justifié d’assortir les décisions d’approbation de conditions exigeantes, visant à modérer leur politique promotionnelle, dans le contexte des évènements sportifs de la fin d’année. En particulier, on peut relever :
- une augmentation des budgets publicitaires de 7% par rapport à 2021, avec des campagnes d’envergure concentrées en fin d’année autour de la coupe du monde de football ;
- une mobilisation systématique des leviers numériques qui se caractérise, d’une part, par une fréquence élevée de sollicitations commerciales des joueurs et, d’autre part, par une présence accrue des opérateurs sur les différentes plateformes sociales, notamment celles suivies par les jeunes adultes ou les mineurs (Tiktok, Snapchat, Twitch et Instagram) et un recours de plus en plus important aux influenceurs ;
Les conditions nouvelles fixées aux opérateurs dans les décisions de l’ANJ sont en cohérence avec les lignes directrices et les recommandations qu’elle a adoptées le 17 février dernier et constituent une première illustration de la volonté du régulateur de « désintensifier » le marché publicitaire en matière de jeu d’argent afin de mieux protéger les publics vulnérables et les mineurs. L’ANJ fera un point d’étape à mi-année pour vérifier la prise en compte effective de ces conditions. Leur non-respect pourra conduire l’ANJ, le cas échéant, à saisir sa commission des sanctions.
Le rejet de la stratégie promotionnelle de WINAMAX
L’examen de la stratégie promotionnelle 2022 de la société WINAMAX a mis en évidence plusieurs difficultés d’importance :
- un ciblage trop fort des jeunes adultes comportant un risque réel de jeu des mineurs ;
- une stimulation quasi permanente des joueurs au moyen de campagnes de communication et de partenariats problématiques du point de vue du jeu excessif ;
- un risque global de pression publicitaire accru en 2022 alors que ce niveau de pression était déjà très fort l’année précédente.
Le cumul de ces risques et l’absence de mesures de prévention et de protection des publics suffisantes ont conduit l’ANJ à rejeter la stratégie de l’opérateur, estimant que celle-ci ne pouvait pas, en l’état, être considérée comme conforme à l’objectif de prévention du jeu excessif et de protection les mineurs. Aussi, la société WINAMAX devra déposer, au plus tard dans un délai d’un mois, une nouvelle demande d’approbation de sa stratégie promotionnelle.
Le cas particulier des opérateurs sous monopole (FDJ et PMU)
L’ANJ rappelle dans ses décisions que les obligations renforcées auxquelles sont tenues les monopoles en raison de leur statut spécifique impliquent que leur politique promotionnelle demeure mesurée et limitée à ce qui est nécessaire pour canaliser la demande de jeu vers l’offre légale. Se faisant, elle doit avant tout consister à informer leurs clients potentiels de l’existence de son offre et non à stimuler activement ces derniers et encourager la pratique du jeu.
Concernant la FDJ, l’ANJ a notamment relevé deux points d’attention. L’un d’eux tient à l’ampleur de la politique promotionnelle projetée par l’opérateur, dans son volume et ses modalités de diffusion (TV, digital, radio, affichage), qui peut être regardée comme dépassant, à certains égards, ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de canalisation. L’autre a trait au contenu de ses communications commerciales, qui ne doivent pas avoir pour effet, en valorisant des arguments d’intérêt général ou en faisant miroiter des gains mirobolants, de banaliser le jeu ou de stimuler de manière trop vigoureuse la pratique de jeu.
Un effort analogue de vigilance et de modération est demandé au PMU. Celui-ci doit notamment s’abstenir de diffuser, dans le cadre de la mise en œuvre de sa stratégie de recrutement par « la transmission », toute communication commerciale qui présenterait le jeu d’argent et de hasard comme un loisir familial impliquant des mineurs ou qui ferait référence à une initiation des mineurs aux jeux par un membre de leur famille. Par ailleurs, l’ANJ rappelle à l’opérateur qu’il doit veiller à ce que la mise en œuvre de sa politique promotionnelle, en particulier via l’octroi de gratifications financières, ne conduise pas à renforcer l’intensification des pratiques de jeu qui caractérise déjà le pari hippique.