Coupe du Monde de Football 2022 et paris sportifs : l’ANJ présente le bilan de la compétition

Le 01.02.2023

Comme attendu, la Coupe du monde de football a été un temps fort dans l’agenda du pari sportif en 2022, avec des enjeux en ligne qui ont battu des records. Ce bilan économique confirme le réel engouement pour le pari sportif qui constitue, pour un grand nombre de parieurs, une pratique indissociable du football. En matière de publicité, les contenus se sont normalisés et les engagements pris par les opérateurs sur la réduction de la pression publicitaire ont globalement été respectés. Néanmoins le recours massif au sponsoring d’émissions et à l’influence constituent des points de vigilance pour le régulateur et des réponses devront être apportées prochainement.

Bilan économique : un Mondial majuscule

La Coupe du monde de football a enregistré plusieurs records pour les paris sportifs en ligne :

  • 597 millions d’€ de mises et 70 millions de PBJ (Produit Brut des Jeux), soit une performance record pour une compétition de cette envergure. Les mises ont ainsi progressé de 56% par rapport à la Coupe du monde 2018 et de 37% par rapport à l’Euro qui s’est tenu en 2021, mais qui comportait moins de matchs. Les résultats enregistrés dans les points de vente FDJ seront communiqués mi-février. On peut estimer néanmoins que le montant total des mises enregistrées en ligne et en points de vente pourrait dépasser les 900Md€.
  • Avec 51 millions d’€ de mises engagées, la finale France / Argentine est le match qui détient le record de mises, en détrônant la finale de 2018 France / Croatie (38 Md€).

 

Ce bilan est toutefois à replacer dans un contexte plus global de ralentissement de la croissance du pari sportif en ligne en 2022. On enregistre en effet en 2022, une croissance de 2,5% du PBJ du segment des paris sportifs en ligne, contre 44% pour l’année 2021 et 7% en 2020, marquée par le Covid. Les mises de la coupe du Monde 2022 représentent 7,2% du total des mises engagées en 2022, contre 10% en 2018. Deux explications à cette baisse du poids des enjeux associés à la Coupe du monde peuvent être avancées : d’une part, le nombre de joueurs qui ont ouvert un compte pendant le Mondial a été plus important en 2018 qu’en 2022. Leur poids dans le total des comptes joueurs ouverts a donc baissé. D’autre part, il semble que les joueurs déjà actifs avant la coupe du monde ont réparti davantage leurs paris tout au long de l’année et les diversifient sur d’autres compétitions de football et sports, comme le basket notamment.

Profil des joueurs et pratique de paris : plus de femmes et de 18-24 ans parmi les nouveaux parieurs
  • 177 000 nouveaux parieurs ont créé un compte pendant la compétition. C’est moins qu’en 2018 (232 000 comptes ouverts) ;
  • Un bassin de joueurs plus féminin : deux fois plus de femmes de 18-24 ans ont été recrutées que pendant une période d’activité normale, c’est-à-dire en dehors d’un grand événement sportif et populaire ;
  • 54 millions de paris ont été réalisés, soit plus du double qu’en 2018 ;
  • Si les joueurs ont plus parié qu’en 2018, le montant des mises unitaires est lui de 11€, soit légèrement inférieur au montant des mises unitaires constaté en 2018 ;
  • La mise moyenne engagée pendant l’ensemble de la compétition est restée stable par rapport à celle observée lors du Mondial 2018, avec 234 € ;
  • 2,6 millions de comptes joueurs ont placé un pari pendant la compétition (les joueurs ont en moyenne 1,2 comptes). Cela représente 2,2 millions de joueurs uniques ;
  • 70 % de ces comptes joueurs affichent un bilan négatif, 23% un bilan positif et 6% un bilan à l’équilibre ; Seulement 1% ont gagné plus de 10 fois leur mise.
  • Les 18-24 ans représentent 53% des nouveaux joueurs, ce qui est supérieur à une période d’activité normale.

Il est encore trop tôt pour évaluer les effets de la compétition sur les pertes de contrôle et l’addiction. Un projet d’étude ANJ/OFDT (Observatoire Français des drogues et des tendances addictives) permettra d’observer ce phénomène sur le moyen et long terme sur les nouveaux joueurs et les joueurs réguliers.

Campagnes de prévention

Pour la première fois, plusieurs campagnes de prévention ont été menées par des institutions publiques en amont et pendant un événement sportif d’envergure. Ces trois campagnes, lancées par Santé publique France, le Conseil général de Seine-Saint-Denis et l’ANJ ont permis de sensibiliser le grand public aux risques de jeu problématique et excessif avec des tons d’intervention différents. La campagne de l’ANJ « T’as vu, t’as perdu » s’est adressé aux parieurs sportifs en mobilisant leurs médias et leurs codes.

 

Bilan du dispositif de régulation sur les communications commerciales des opérateurs

Après avoir constaté une pression publicitaire sans précédent en faveur des paris sportifs durant l’Euro de football en 2021, l’ANJ a lancé un plan d’actions ambitieux pour « désintensifier » la pression publicitaire sur tous les supports de communication (télévision, radio, affichage et sur le digital) et renforcer la protection des mineurs et des publics à risque, particulièrement sur les leviers numériques.

Ce plan en deux volets comprenait, d’une part, des lignes directrices en matière de contenus publicitaires et les gratifications financières et, d’autre part, des recommandations pour diminuer la pression publicitaire sur l’ensemble des canaux médiatiques et modérer les offres de bonus, de façon à mieux protéger les publics vulnérables.

Afin de démontrer leur volonté d’appliquer les recommandations de l’ANJ, l’ensemble des acteurs de l’écosystème – agences publicitaires, professionnels de l’audiovisuel et opérateurs de jeux d’argent et de hasard, ont signé en novembre 2022 quatre chartes d’engagement pour modérer la pression publicitaire et promouvoir des communications commerciales responsables en télévision, radio, affichage et digital. Le Mondial était le premier évènement d’envergure permettant de tester l’effectivité des engagements pris.

  • Concernant le contenu des publicités, un changement de ton a été observé. On constate moins de mise en avant de signes extérieurs de richesse ou de fausses croyances sur la possibilité de changer de statut social grâce au pari sportif et un ciblage moins flagrant des jeunes issus de quartiers populaires. D’après une étude réalisée par Toluna - Harris Interactive pour l’ANJ [1], les publicités sur les paris sportifs sont considérées comme un « peu moins dérangeantes et agressives » que lors de l’Euro de 2021 ;
  • Les engagements pris en TV, radio et affichage ont été globalement respectés et ont permis de contenir la pression sur les médias traditionnels ;
  • La pression sur le digital semble légèrement moins importante qu’à l’occasion de l’Euro, mais ce point nécessite d’être confirmé sur la base des données chiffrées attendues en février ;
  • La transparence des offres de gratifications financières (bonus de bienvenue et de fidélisation) s’est améliorée. Par ailleurs, la limitation à 100€ du bonus de bienvenue recommandée par l’ANJ a été globalement appliquée par les opérateurs de paris sportifs.

 

Enfin, l’ANJ a diligenté une opération de contrôle des quatre principaux opérateurs de paris sportif afin de s’assurer du respect des engagements qu’ils ont pris. Les vérifications sont en cours.

 

[1] Enquête Toluna – Harris Interactive réalisée en ligne du 13 au 15 décembre 2022 par Harris Interactive pour l’ANJ. Échantillon de 1 076 personnes représentatif des Français âgés de 18 ans et plus.

[2]  40% des personnes interrogées considèrent les publicités pour les paris sportifs dérangeantes contre 47% pendant l’Euro et 33% les jugent agressives, contre 41% en 2021.

 

Une nécessité d’aller plus loin

Des points de vigilance subsistent dans la mesure où l’ANJ a constaté de la part de certains opérateurs des stratégies de contournement avec un recours massif au sponsoring d’émissions sportives et à l’influence, qui sont des leviers particulièrement invasifs et populaires auprès des jeunes. Pendant la Coupe du Monde, une centaine d’influenceurs ont été mobilisés pour promouvoir les paris sportifs, principalement sur Instagram, YouTube et Twitter. 80% du public des influenceurs ont moins de 34 ans et 50% moins de 25 ans.

Le groupe de travail sur le sponsoring initié par l’ANJ en juillet 2022 rendra ses conclusions et propositions en mars ; elles porteront notamment sur le partenariat maillots, le naming des compétitions mais aussi le sponsoring d’émission en radio, télévision ou encore sur les sites de streaming.

L’ANJ participe en outre activement aux différentes initiatives des pouvoirs publics visant à mieux encadrer le recours à l’influence.

Enfin, bien que la pression publicitaire ait été contenue pendant le Mondial, elle reste d’un niveau élevé, notamment en télévision, en affichage et sur les réseaux sociaux. L’étude réalisée par Toluna – Harris Interactive indique que 49% des personnes ayant vu des publicités pour les paris sportifs pendant la Coupe du monde estiment « qu’elles sont trop nombreuses » (contre 54% pendant l’Euro). 88% de ceux qui ont vu ces publicités déclarent les avoir vues à la télévision et 54% sur les réseaux sociaux, avec une proportion qui monte assez logiquement à 79% chez les moins de 35 ans.

L’examen par le collège de l’ANJ en février 2023 des stratégies promotionnelles des opérateurs de jeux d’argent a pour objectif de tirer un bilan de la régulation de la publicité en 2022 et d’apporter de nouvelles réponses aux ambitions marketing des opérateurs, en particulier concernant leur présence importante sur les réseaux sociaux très prisés des jeunes et des joueurs excessifs, le recours massif à l’influence et le sponsoring.

 

Pour Isabelle Falque-Pierrotin, Présidente de l’ANJ : « Le dispositif de régulation mis en place par l’ANJ à l’approche de la Coupe du Monde a permis, avec les outils dont elle disposait, de contenir la pression publicitaire et les opérateurs ont globalement joué le jeu. Néanmoins, cette pression reste forte et préoccupe le régulateur, dans un contexte où les dernières études de l’OFDT montrent une augmentation du jeu excessif [1]. L’ANJ réfléchit donc à des mesures complémentaires qu’elle proposera dans les prochains mois aux pouvoirs publics, pour renforcer l’encadrement de la publicité pour les jeux d’argent. »   

 

[1] L’étude de l’OFDT de 2019 souligne une augmentation significative du jeu excessif.