TRIBUNE - Halte à la banalisation du jeu d’argent !

Le 09.07.2025

Tribune publiée sur le site des Echos le 1er juillet 2025

94% des Français considèrent que les jeux d’argent sont une activité dangereuse pour les enfants. Pour la quasi-totalité des Français, les enfants qui jouent aux jeux d’argent risquent de développer une addiction. Et pourtant, un quart d’entre eux ont déjà offert des jeux de grattage à des enfants.

Malgré l’interdiction de vente de jeux d’argent aux mineurs, dans les points de vente comme sur Internet, plus d’un tiers des adolescents de 15 à 17 ans avaient déjà joué à des jeux d’argent. 

Une question simple est donc posée : comment, en dépit de la perception des risques et de l’interdiction de ventes aux mineurs, la banalisation des jeux d’argent s’est-elle ancrée dans l’esprit des Français ?


 

 

D’abord le marché est en forte croissance depuis 10 ans, notamment chez les plus jeunes. Ce sont par exemple 38 millions d’euros qui ont été misés en ligne lors de la finale de la Ligue des Champions de football et 15 millions pour la finale de Roland Garros, un record ! Avec le numérique, le jeu d’argent est aujourd’hui à portée de main immédiate et permanente. 

Ensuite, les stratégies commerciales déployées par les opérateurs de jeux d’argent pour recruter ou conserver des joueurs ont conduit à une surreprésentation du jeu d’argent dans l’espace public : publicités, large couverture médiatique des gros lots et des grands gagnants, sponsoring.

Plus largement, pour les jeunes, les paris sportifs sont souvent vécus comme une activité sociale qui valorise la performance individuelle et fait miroiter le mirage de l’argent facile plutôt que comme un risque occasionnant des dommages collatéraux. Pourtant, seuls 1 200 parieurs gagnent plus de 10 000 € par an[1].  Et puis, s’installe l’idée que le sport ne se suffit plus à lui-même et que le pari est devenu son piment nécessaire.

La situation est d’autant plus préoccupante que les risques d’une pratique précoce sont bien réels et les professionnels de l’addiction déplorent un rajeunissement de la population qui vient les consulter. Les effets de cette « drogue légale » sont insidieux et moins directement visibles par l’entourage qu’avec d’autres produits.

La priorité, comme pour l’alcool ou le tabac, est donc de retarder autant que possible la première rencontre des jeunes avec les jeux d’argent et de faire apparaitre plus clairement les risques associés.

Opérateurs, pouvoirs publics, régulateur, associations, parents, éducateurs et les jeunes eux-mêmes, tous ont un rôle à jouer pour changer la donne. Alors que la régulation de l’usage des écrans devient un sujet de société majeur, il faut agir ensemble et maintenant via des propositions concrètes

La première proposition, à destination du législateur, consiste à contraindre davantage la publicité en interdisant par exemple les spots publicitaires avant, pendant et après les diffusions télévisées des grands événements sportifs et en limitant le sponsoring. 

Un plafond de pertes ou de mises pour les jeunes de 18 à 25 ans pourrait aussi être envisagé ; nos voisins européens y réfléchissent déjà. 

Il est par ailleurs nécessaire de renforcer les actions d’accompagnement en développant les campagnes de prévention par les pouvoirs publics et les associations familiales, en mobilisant les volontaires du Service Civique ou en sensibilisant le sport amateur.

Enfin, un volet coercitif doit compléter ces propositions, avec le renforcement des contrôles de l‘interdiction de vente aux mineurs dans les points de vente physiques aujourd’hui insuffisant.

Ces mesures ne sont qu’un début. Elles pourront être enrichies par les initiatives des acteurs qui nous rejoindront pour faire de la protection des jeunes un enjeu central de leur action.

Mais un changement culturel sur les jeux d’argent est nécessaire !

Liste des signataires 

Stéphane Alexandre, Président de la Ligue de l’enseignement de la région Ile-de-France

Emmanuel Benoit, Directeur général de l’Arpej (Association de recherche et de prévention des excès du jeu)

Catherine Delorme, Présidente de la Fédération addiction

Isabelle Falque-Pierrotin, Présidente de l’Autorité nationale des jeux, 

Isabelle Lafargue, ancienne secrétaire générale de la Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public (PEEP)

Thomas Rohmer, Directeur et fondateur de l’Open (Observatoire de la Parentalité et de l’Education)

Bernard Tranchand, Président de l’Unaf (Union nationale des associations familiales)

Stéphane Troussel, Président du Département de la Seine-Saint-Denis


SOURCES 

Le regard des Français sur les jeux de grattage offerts aux enfants

ENJEU Mineurs

Données ANJ